Faut-il punir ses enfants?

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Pourquoi (ne pas) punir nos enfants ?

On reproche parfois à l’éducation positive de laisser un vide à la place des punitions, vide qui devrait absolument être comblé par « quelque chose »… mais quoi ? L’intérêt de l’éducation positive à mes yeux est de réfléchir avant d’agir (avant de punir en l’occurrence), et de s’intéresser à la source des mauvais comportements des enfants : si la source continue de jaillir, punir ne servira à rien et il s’ensuivra une escalade de punitions de plus en plus dures et de plus en plus inutiles.

C’est pourquoi, avoir des attentes éducatives adaptées à l’âge de nos enfants, diminuer le stress intra-familial et apprendre à gérer les émotions (celles des enfants comme les nôtres) sont à mes yeux les points cardinaux de toute éducation, positive ou non.

A la source des comportements : les besoins

J’ajouterai que s’assurer de mener une vie qui nourrit les besoins psychologiques (et non les désirs !) des petits et des grands, réduit grandement le besoin de « chercher des punitions ». Trop souvent, un déséquilibre se trouve en amont : les besoins de contact, de liens et d’exploration partagée des (petits… et grands ?) humains sont peu pris en compte et le symptôme qui en découle, c’est un enfant qui se comporte mal. Résultat ? La punition est la réponse au symptôme… mais ne résout pas le problème.

C’est d’ailleurs une grande responsabilité des parents que de s’assurer que la vie de famille soit respectueuse des besoins de chacun de ses membres, et la société ne les aide pas : nos valeurs de performance, d’épanouissement individuel, de réussite matérielle, et nos « joujoux technologiques » nous éloignent les uns des autres et mettent les parents en grande tension. La fatigue, voire l’épuisement ne sont jamais loin… Je le sais, je le vis moi aussi au quotidien !

Pour autant, est-ce aux enfants à payer le prix des injonctions de la société ? Dire « stop » et accepter de ne pas « cocher toutes les cases », c’est notre responsabilité d’adulte. Fixer des priorités et vivre la frustration de ne pas avoir fait tout ce que nous aurions dû ou voulu… Ce n’est pas facile, j’en conviens volontiers (au risque de me répéter, moi aussi je le vis régulièrement).

Pour ou contre l’éducation positive ?

Actuellement l’éducation positive fait débat et je trouve cela très… positif ! En effet, cela signifie selon moi qu’elle est en passe d’être adoptée par la société et cette adoption conduit à la prendre en considération mais aussi à « l’accommoder », la mettre à sa sauce, la nuancer. Et il faut bien avouer qu’on entend tout (et n’importe quoi !) sur l’éducation positive, il est donc difficile de s’y retrouver. Un besoin de précision, de détail et de nuances se fait ressentir et c’est normal. Pour vous aider, surtout si vous avez le sentiment de manquer d’outils pour affirmer votre autorité de manière saine et non-violente, je vous propose aujourd’hui quelques pistes tirées de ma lecture du livre « Ni punir ni laisser faire », la sanction éducative en pratique de Philippe Beck paru aux Editions Jouvence en 2017.

Avant de sanctionner : définir nos valeurs et nos besoins

Nos valeurs sont des éléments non-négociables, comme par exemple le respect, la non-violence, etc. Ces valeurs cardinales doivent toujours être respectées et par tout le monde. Il n’y a pas de discussion possible. On voit bien que là, on ne parle pas du temps d’écran de chacun… Encore que, on pourrait dire qu’au-delà d’une certaine heure, se respecter signifie ne plus regarder un écran ! Ou alors qu’il y a des contenus sur les écrans qui contreviennent au respect. Bref. Mon conseil pour définir vos valeurs : prenez le temps de poser sur le papier ce qui vous dérange face aux comportements de vos enfants pour « remonter » à vos valeurs à partir de là.

Selon Philippe Beck, les besoins sont à différencier des valeurs dans la mesure où les besoins appellent des règles négociables : la faim par exemple est un besoin mais elle peut être rassasiée maintenant ou plus tard, en mangeant des biscuits ou un fruit, etc.

Le but de la sanction éducative : aider à grandir

Ce but doit absolument être gardé en tête pour définir la sanction de manière adéquate et proportionnée aux actes, à l’âge des enfants et à leurs besoins.

Exemple : vos enfants de 3 ans se chamaillent et finissent par se taper dessus. La valeur « non-violence » n’est pas respectée et cela doit être sanctionné, mais même s’il faut faire cesser la situation immédiatement, en intervenant physiquement dans l’altercation, la sanction ne passera pas par un coup de la part de l’adulte (la valeur « non-violence » doit être respectée par tous), et ne sera pas la même qu’avec des enfants de 8 ans par exemple, car à 3 ans l’impulsivité et les émotions sont encore très hautes. Rappeler la règle et demander une réparation mutuelle seront donc des sanctions éducatives adaptées à 3 ans, alors qu’à 8 ans on pourra demander un travail de réflexion supplémentaire, par exemple de répondre par écrit à la question « pourquoi n’a-t-on pas le droit de taper sur les autres lorsqu’on est fâché ? ».

J’ajouterais qu’à tout âge, des questions utiles à poser dans ce cas seront : « Qu’as-tu le droit de faire lorsque tu es fâché ? Qu’est-ce qui t’aide à te sentir mieux, sans taper ton frère ? Que feras-tu la prochaine fois ? ».

La sanction éducative ne vise pas à être désagréable

Dans la punition, il y a l’idée de faire mal au fautif ou à tout le moins, de lui faire passer un moment désagréable. C’est d’ailleurs ce qui conduit les enfants à réfléchir à comment éviter les punitions… au lieu de réfléchir à comment éviter de mal se comporter ! La réflexion sur la sanction éducative adaptée doit donc s’affranchir de l’idée de pénibilité pour l’enfant, et viser à l’aider à intégrer le bien-fondé de la règle et de la valeur qu’elle protège.

Dans la sanction éducative, le soutien et la présence de l’adulte (éducateur ou parent) est nécessaire car il est de sa responsabilité pédagogique d’aider l’enfant à réparer son tort, ce qui est le but visé par la sanction éducative : « réparer » la valeur transgressée et réparer le mal ou le dommage qu’il a causé à autrui.

Quelles sanctions pour quelles transgressions ?

Toute transgression doit être sanctionnée, étant donné que la sanction vise in fine à restaurer le lien social entre les protagonistes. Une exception est le cas où l’auteur est lui-même seule victime : l’enfant qui glisse parce qu’il court au lieu de marcher, tombe et se fait mal… est déjà sanctionné, nul besoin d’en rajouter. De plus, pour les jeunes enfants, Philippe Beck insiste sur le fait que le rappel de la règle et de la valeur qu’elle protège est bien souvent suffisant en soi, étant donné le nombre considérable de règles qu’ils ont à intégrer ! Le principe de la sanction est indiscutable mais ses modalités dépendront du contexte, de la gravité, de l’âge, etc. Il est donc impossible de faire une liste préétablie de sanctions en fonction des transgressions…

Je vais donc vous frustrer (mais je fais confiance à votre capacité à gérer la frustration ;-)) en ne vous donnant pas une telle liste, et je vous recommande la lecture du livre afin de prendre connaissance de toute la richesse et des nuances de cette approche, qui me semble être un outil bien utile mais méconnu dans le champ de l’éducation positive. Bonne lecture !

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